2023 - Un coup de gueule - La tombe de Léonard Bordes

vendredi 12 mai 2023

Le peintre Léonard Bordes éclipsé pour l’éternité.
Sa tombe au cimetière du Mont-Gargan de Rouen va-t-elle disparaître aussi ?

Un article du journal municipal de Rouen, début mai 2023, signalait que la tombe de Léonard Bordes , dans le cimetière du Mont-Gargan, carré K1, à l’Est, arrive en fin de concession. La municipalité souhaite néanmoins conserver cette tombe en tant que monument lié à l’histoire des peintres connus de Rouen et à l’histoire du quartier du Mont-Gargan. En effet, l’artiste venait souvent sur les hauteurs de notre petit village et y était même accueilli chez une amie. Il appréciait le quartier, même si un galopin de l’époque m’a avoué qu’avec d’autres garnements, ils l’accueillaient en lui lançant des pommes. La place Saint-Vivien et Darnetal étaient ses deux autres sites de prédilection.
Parmi les œuvres réalisées au Mont-Gargan, citons : « Neige rue Henry Rivière », « Au chemin neuf », « La rue Annie de Pène », « Neige au Mont-Gargan », etc...

Nous allons donc passer en revue sa biographie :
Léonard Bordes naît le 14 mai 1898 d’une famille de musiciens, près du jardin du Luxembourg à Paris. Sa mère, Léontine-Marie, est premier prix du Conservatoire à treize ans. Elle est grande interprète du compositeur et organiste César Franck. Son père, Lucien, est un violoncelliste de talent. Son oncle, Charles, est l’un des fondateurs de la Schola Cantorum. Voilà donc un milieu familial musical qui promet un bel avenir.

Recherchant un lieu plus calme pour des raisons de santé, les parents de Léonard Bordes viennent à Rouen en 1913 et s’installent parvis Saint-Vincent. Le fiston entre aux Beaux-Arts, dans l’atelier de Zacharie. Il s’orientera donc vers la peinture. Il a alors quinze ans. En 1919, il participe à une exposition de la Société des Artistes Rouennais. La tendance de ses fréquentations artistiques est bohème, avec ses anciens amis de l’école des Beaux-Arts.
En 1920, il se marie avec Jeanne Le Mouton ( qui est la sœur du peintre Aline Le Mouton). De là naîtront une fille, Gisèle, en 1921, puis Monique, en 1928.
En 1921, il rejoins Louvrier et Leroux à la Galerie Moderne. Il se fait déjà remarquer pour son « tempérament vigoureux de peintre et de coloriste, recherchant surtout des effets d’opposition heurtés, les contrastes d’ombres et de plein soleil » (François Lespinasse ; 1980)
Pendant ce temps-là, Léonard Bordes fréquente les peintres Dunet, Dumont, Le Trividic, Tellier, Thieulin, etc...qui tournent autour de ce que l’on appelle l’Ecole de Rouen.
En 1931, en plus de la peinture, Léonard Bordes entre comme violoncelliste au Théâtre Français de Rouen. Il voyage en Bretagne, Corse, Savoie, dont les paysages l’inspirent.
Il s’installe place du 39° régiment d’infanterie. Il participe à des expositions aux galeries Legrip, Prigent, Gosselin.
En 1940, meurtri par les destructions de Rouen, il dessine et peint beaucoup les ruines, exprimant la violence et la désolation.
En 1945, il reprend ses fonctions de musicien au théâtre.
En 1946, il expose à la galerie Legripp. Ses quartiers préférés sur Rouen sont la Côte-Sainte-Catherine, l’ile Lacroix, la rue Poussin, la rue Eau-de-Robec. En 1948, il rejoint le Salon des Artistes Rouennais et y restera fidèle.
De 1946 à 1953, il peint les environs de Rouen.
En 1950, une toile de Léonard Bordes « Les chiffonniers » est achetée par le Musée des Beaux-.Arts de Rouen. Une toile « Paysage de neige » avait déjà été achetée par le même musée en 1938. Son talent est ainsi reconnu. Mais il était temps, il avait 52 ans.
De 1953 à 1968, il expose chez ses amis galeristes Menuisement, rue général Leclerc, à Rouen. Il sera aussi à la galerie Boutigny.

En 1964, peignant le Mont-Gargan, il montre « un immense pessimisme, exprimant la grande solitude et le profond désarroi qu’il ressent » (rapporté par François Lespinasse).
Léonard Bordes voit sa santé décliner de plus en plus. Il meurt le 4 février 1969, à l’hôpital Charles-Nicolle de Rouen
Léonard est l’un des peintres qui a le plus produit. On estime entre 10 000 et 12 000 œuvres sorties de ses mains, de son regard et de son talent. Il a toujours peint en extérieur.
Je citerai pour conclure l’analyse de son ami peintre Tony Fritz-Villars :
« Le béret protégeant son regard perpétuellement aux aguets, la cigarette en équilibre sur le fil mince de ses lèvres...Léonard Bordes n’était pas pressé et encore moins avide d’une renommée qui, en bien des cas, s’avère prématurée.... ». « C’était un être sensible et délicat, généreux et spontané » selon François Lespinasse. Maurice Louvrier ajoutera : « Le traducteur des aspects neigeux et de la sourde mélancolie de nos paysages normands ».

Si vous êtes sensibles à la préservation de la tombe de Léonard Bordes au cimetière du Mont-Gargan, vous pouvez vous approcher de la mairie de Rouen au 02.35.08.69.00 ou sur « Rouen.fr/contact ».

Dominique SAMSON
Le 11 mai 2023