Le démantèlement et la destruction méthodiques du Palais des Consuls de Rouen
En 1944, le Palais des Consuls de Rouen, bel édifice du XVIIIe siècle dû à l’architecte Blondel était détruit par les bombes allemandes.
En 1952-1956, le moderne Palais des Consuls resortait de terre dû à quatre architectes, Pierre Chirol, Robert Flavigny, François Herr et Roger Pruvost, accompagnés par des artistes issus de l’Art déco.
Un escalier magnifique, des volumes splendides, des meubles et des luminaires d’André Arbus et Jean Adnet, des grilles de Raymond Subes… Tout cela n’existera bientôt plus. Et il n’aura pas fallu une guerre pour le faire disparaître, la France est tout à fait capable de détruire elle-même son patrimoine comme elle le démontre hélas régulièrement.
La dispersion du mobilier d’André Arbus et Jacques Adnet a déjà eu lieu en 2015.
Nous avons été alerté de la vente prochaine, le 24 juin par l’hôtel de vente des Carmes, des luminaires des mêmes artistes
Mais le démantèlement de ce monument ne s’arrête pas à la dispersion du mobilier : tout l’intérieur - seul l’extérieur sera conservé, dans une belle opération de façadisme - va être « restructuré » pour devenir un hôtel, des logements et, ce qui justifie les pires destructions, des logements sociaux .
Même l’escalier, avec sa rampe en ferronnerie par Raymond Subes, splendide, pas protégé contrairement à ce qu’on lit ici ou là, va être détruit pour être vaguement remonté dans le nouvel édifice.
Selon le promoteur « Il est vrai qu’il y a un escalier majestueux, qui est superbe à l’entrée de la CCI, qu’on ne va pas garder, par contre on a souhaité avec l’architecte maintenir un maximum de choses en récupérant la ferronnerie, en récupérant les fresques qui sont sur les murs pour le remettre dans le futur bâtiment et garder cet historique de bâtiment qui est emblématique de la ville de Rouen depuis près de 300 ans » Les « fresques », par parenthèse, sont en réalité des bas-reliefs de Maurice de Bus.
Il s’agit donc d’un massacre patrimonial sciemment et méthodiquement organisé. Certes, la CCI explique - c’était aussi le cas pour celle de Lyon dans l’affaire du Musée des Arts décoratifs - qu’elle est saignée par les coupes budgétaires du gouvernement. Mais c’était au ministère de la Culture d’agir, en classant ce monument intégralement et d’office, s’il le fallait.
Mise à jour 7 juin 2018 : Néanmoins, la DRAC, contactée et qui nous a répondu après la parution de cet article, semble suivre ce dossier. Voici ce que nous a répondu Jean-Paul Ollivier, le directeur régional : « L’édifice est situé en secteur sauvegardé (SPR) et les travaux sont à ce titre suivis par l’architecte des bâtiments de France, cheffe de l’UDAP de Seine-Maritime. Un premier dossier a reçu un avis défavorable de sa part, les travaux envisagés étant jugés trop "impactants".
Un nouveau dossier a par conséquent été constitué. Pour autant, la nouvelle demande de permis de construire n’a pas encore été transmise à l’UDAP de Seine-Maritime. Elle fera l’objet d’une attention particulière de l’architecte des bâtiments de France, qui veillera dans son avis à la préservation des éléments significatifs de cet édifice de la Reconstruction.
S’il est dommage que la DRAC ne s’oppose pas à la vente des luminaires, partie intégrante de l’ensemble architectural, il n’est manifestement pas trop tard pour que le bâtiment soit protégé, le permis de construire n’étant pas encore accordé. Un classement d’office de ce monument, une mesure que le ministère de la Culture peut parfaitement décréter, et qui permettrait de le sauver avant de songer à une utilisation plus conforme à son caractère historique, est encore possible. La bataille n’est pas encore perdue, c’est pourquoi nous lançons aujourd’hui une pétition pour demander le classement monument historique du Palais des Consuls ainsi que le classement comme ensemble et in situ des luminaires.
Partagez vous, comme nous, le "coup de gueule"de notre ami Dominique ?