« De Rouen à Rome, itinéraire d’un dessinateur, Achille Bligny (1826-1862) »
Exposition temporaire à voir jusqu’au 2 mai au Musée des Beaux-Arts de Rouen.
Entrée gratuite.
A l’accueil du musée, vente du livre de Noël Coret, Bruno Delarue et Francis Bligny : « Achille Bligny, campagnes d’un paysagiste romantique normand ». Editions Terre en vue/ Fécamp. 25€. En librairie.
Achille Bligny : 1ère exposition au Musée des Beaux-Arts de Rouen
Pendant trois mois, le public peut découvrir pour la première fois, une quarantaine d’œuvres du Rouennais Achille Bligny (1826-1862).
Peintre et dessinateur talentueux, son itinéraire débuté en Normandie, s’achèvera à Rome sous l’uniforme de zouave pontifical. Il y a peu de temps encore, jusqu’à la parution l’an dernier d’un ouvrage qui lui est consacré, son nom et son prénom ne disaient pas grand-chose aux Rouennais. Il dessinait beaucoup mais ne cherchait pas à vendre. Pas d’exposition, pas de vente ! Il voyageait en diligence, croquait des lieux et des monuments chargés d’histoire, rentrait chez lui 25 rue de l’Hôpital pour y stocker ses feuillets et ses petits carnets d’esquisses. Le hasard croisera son souvenir après-guerre.
Achille voit le jour en 1826 dans une famille de notables cultivés. Un père, Pierre-Louis, notaire, 1er adjoint du maire de Rouen Adrien-Charles Deshommets de Martainville, une mère Rosalie née Gratien attentive à ses 5 enfants. Brillantes études en internat au Collège Royal, actuel lycée Corneille, puis Droit à paris. Il devient avocat. Au bout d’un an, toujours célibataire, il délaisse son cabinet pour plonger corps et âme dans sa passion de toujours ; le dessin, l’illustration appris aux côtés d’Eustache Berat. Il sillonne la Normandie, s’attarde devant les architectures anciennes de Dieppe, Etretat et Rouen, puis élargit son horizon pendant une décennie.
« Il pratiquera son art en amateur, explique Diederik Bakhuys, conservateur et commissaire de l’exposition. A rebours d’une culture savante qui a pendant des siècles privilégié une architecture inspirée de l’antiquité classique, la sensibilité romantique réhabilite le pittoresque des constructions du Moyen Age et de la Renaissance. Bligny s’attache à décrire ce patrimoine monumental alors très dégradé et qui parfois disparaîtra lors des transformations urbaines de la seconde moitié du XIXe siècle. Il parcourt sa ville natale en dessinant Saint-Ouen, la Cathédrale, la rue du Gros-Horloge, la Maison des mariages.
Il rapporte des moissons de croquis de ses déplacements à travers la Normandie, l’Angleterre, la Belgique, l’Allemagne et l’Italie en adressant des descriptions illustrées à plusieurs revues comme la Semaine des familles ou le Magasin pittoresque ».
En 1861, ce catholique fervent s’enrôle après versement d’une contribution dans les zouaves pontificaux pour défendre la cause papale contre les troupes piémontaises qui combattent pour l’unité italienne. Quelques mois plus tard, le 26 août 1862, au terme d’une campagne harassante, il contracte la malaria et meurt à Marino, près de Rome où il est inhumé. Il n’a que 36 ans ?
« Il avait exécuté, en marge de son service, certains de ses dessins les plus ambitieux, inspirés de monuments romains ou de maisons gothiques du Latium, ajoute le commissaire de l’exposition. Son intérêt pour l’architecture médiévale de l’Italie, que peu de Français de sa génération partagent au même degré, contribue à donner aux dernières œuvres de son corpus un caractère très personnel ».
Georges Lanfry, l’architecte rouennais, archéologue, mécène et spécialiste de la restauration des monuments historiques se voit un jour confier les centaines de dessins d’Achille Bligny. Il en consulte certains pour mener à bien ses restaurations. Une fois utilisés, il a la géniale idée de les proposer à la famille Bligny mais il décède à 84 ans en janvier 1969. L’affaire ne se conclut pas.
Dans les années 80, les descendants Lanfry confient la collection à la Salle des ventes de la rue de la Croix de fer. Les 5 et 6 mai 1984, Francis Bligny , chef d’entreprise, acquiert 73 des 112 lots de la vente. Les années défilent, Francis Bligny, admiratif de l’œuvre de son lointain ancêtre et « voulant l’honorer à la hauteur de ses mérites » offre généreusement l’an dernier, au Musée des Beaux-Arts de Rouen, 268 feuilles, dessins graphite sur papier et aquarelle, des carnets et des estampes avec l’espoir qu’une exposition le fera mieux connaître du public. C’est chose faite !
André Morelle