Beaucoup de personnes connaissent le chemin du centre commercial, à Barentin. Les curieux du patrimoine préfèrent pousser une pointe vers Pavilly. Pourtant un certain nombre ne s’imagine pas la richesse patrimoniale de cette ville, car ils pensent que ce bourg a peu d’intérêt. Ils ont dû pourtant apercevoir les clochers des deux églises, celle qui servait de chapelle à l’abbaye de femmes, construite au XI° siècle, avec la fontaine voisine, et l’église Notre-Dame (XII°, XV° et fin XIX° siècle). Il y a également à voir les restes de plusieurs filatures de coton pour ceux qui s’intéressent au patrimoine industriel, notamment « La Dame Blanche », la cité ouvrière construite sur les plans de l’architecte Pierre Chirol, les moulins. Puis le colombier du XV° siècle, magnifique horsain de pierres et de briques, qui vient en fait du hameau de Cidetot, à Mesnil-Panneville, reconstruit à Pavilly et inauguré le 3 juillet 1992, ouvert pour les expositions d’art.
Je n’ai pas rencontré le loup, condamné par sainte Austreberthe, fondatrice du monastère de la ville, à transporter, à la place d’un âne, le linge à laver des moines de Jumièges à la source de l’Austreberthe, qui, après avoir dévoré dans la forêt de Jumièges le brave âne qui était seul et appartenait au monastère de Pavilly.
S’il avait vécu aux XV°/XVI° siècle, il aurait pu être menacé par le seigneur Louis de Brézé (1463-1531), grand veneur de France, gouverneur de Normandie, époux de Catherine de Dreux, dame d’Esneval, de Pavilly, etc, née en 1480 et décédée le 20 novembre 1512. Elle est inhumée à Pavilly.
Car il y a un château à Pavilly, discret, loti actuellement en logements, dominant un vaste pré qui fut autrefois un parc, descendant vers la rivière d’Esne (nommée maintenant Sainte-Austreberthe), d’où le nom d’Esneval.
Aux journées du patrimoine, en septembre, on peut visiter en principe la chapelle. C’est ce que nous avons fait avant le funeste confinement de 2020, donc en septembre 2019, avec au moins deux couples liés étroitement à l’association « Patrimoine(s ) », sous la conduite d’un descendant de la famille Le Roux d’Esneval.
Au XI° siècle à « Vuesneval » (Esneval), près d’un moulin sur la rivière, se construit un manoir, qui devait être en fait sur la place occupée par les halles. Au XV° siècle, il est ruiné car, en 1280, quand les familles de Pavilly et celle d’Esneval s’unissent, ils abandonnent le manoir. Entre 1469 et 1478, Robert de Dreux fait construire le château actuel, plus haut dans le milieu de la côte, avec quatre tours octogonales, à peu près, semble-t-il, sur l’emplacement d’un château primitif ruiné. Il y eut donc deux châteaux à Pavilly, qui finirent en ruines. Dans le troisième quart du XVIII° siècle, le nouveau château est remodelé par l’ajout de deux ailes de chaque côté du bâtiment.
Par le jeu des alliances, se constitue une nouvelle famille : les Leroux (Branche d’Esneval). Si ce nom vous dit quelque chose, pensez au château d’Acquigny, près de Louviers, ou à l’hôtel de Bourgtheroulde, place de la Pucelle à Rouen. C’est de la même famille, aux noms prestigieux qui ont illustré l’histoire de France. Il faudrait des volumes entiers pour raconter l’histoire détaillée des diverses branches.
Pour résumer, sur Pavilly, il y a en 1091, la famille de Pavilly. La famille d’Esneval succède en 1280. Puis Les Dreux en 1415. Arrivent les Leroux en 1644, les Prunelé en 1528, les Tournebus en 1615, les Bezuel en 1825. Leurs armoiries sont sur la façade du château (que l’on ne visite pas). La comtesse d’Auray Saint Pois d’Esneval(1921-2017), princesse de Broglie, habita le château. Elle est inhumée dans la chapelle.
On peut entrer dans la chapelle Saint Thomas de Cantorbéry. D’après une plaque de cuivre rouge dans la sacristie, celle-ci existant déjà depuis plusieurs siècles, fut reconstruite par Pierre-Robert Le Roux, baron d’Esneval et d’Acquigny, vidame de Normandie, président à Mortier au Parlement de Normandie, et consacrée le 26 juin 1770 par Monseigneur de La Rochefoucauld, cardinal de Rouen
A l’intérieur, se trouve le gisant de Thomas de Pavilly, fondateur de la léproserie (1066). Le gisant était à l’origine dans l’ancienne léproserie, devenue Hôpital, à Pavilly. Lors de la démolition récente de cet établissement, le propriétaire du château a pu mettre cette sculpture à l’abri dans la chapelle. Il y a aussi une pierre tombale au nom de Messire Esprit-Marie-Robert Le Roux, baron d’Esneval et d’Acquigny, inhumé dans la chapelle le 8 avril 1819. En guise d’épitaphe, il est écrit « Né pour de grandes choses, les qualités de son esprit l’eussent fait plus grand encore, si le malheur des temps n’y eut mis obstacle ». Ecrira-t-on ces belles paroles sur notre propre tombe ?
A l’intérieur de la chapelle, dans un cadre de chaque côté de l’entrée, sont transcrits à la main les noms de 23 personnes inhumées dans la chapelle, de 1819 à 2017.
Voilà une visite qui nous a transportés un peu hors de notre environnement actuel, qui nous a fait voyager dans le milieu de la noblesse locale, monde maintenant un peu passéiste ou dépassé, dépaysant ou déconcertant.
Cette escapade dans les siècles passés nous a donné encore la preuve que dès que l’on se penche un peu attentivement sur l’histoire d’un village, d’un bourg, ressurgit la petite histoire dans la grande, source de découvertes inattendues et souvent passionnantes, même dans des lieux qui paraissent
peu intéressants à première vue. Et chaque histoire locale, quand on la décortique, devient riche, compliquée parfois, digne d’une enquête policière.Elle est le pont entre les générations passées et la nôtre.
Nous vous proposons un article de monsieur Bouquet, dans le bulletin de la commission des antiquités de 1894/1896.
Dominique SAMSON
Sources : Recherches personnelles
Wikipédia
Site internet : « Remparts de Normandie/les remparts d’Esneval »