BARTHELEMY un trésor de cahier !
Jacques-Eugène Barthélémy (1799-1882) est un Rouennais qui a honoré sa ville et la Normandie. Architecte en chef de la Cathédrale Notre-Dame, architecte diocésain, conseiller municipal de Rouen pendant 27 ans, on lui doit la construction et la reconstruction partielle ou en totalité d’une cinquantaine d’édifices religieux. Si ses archives et ses plans sont conservés en partie à Rouen, on en trouve aussi en grand nombre aux Archives nationales et à l’Institut français d’architecture. A sa mort, sa famille reçut en forme de testament, son cahier soigné et personnel, intitulé « Notes et renseignements divers », une chronique exceptionnelle tenue entre 1840 et 1881.On y lit les principaux évènements de sa vie professionnelle, de sa vie familiale, de la vie du Diocèse de Rouen, et de la politique française. Ce cahier que détenait un de ses descendants, Jean-Paul, André Mélinon a changé de main récemment. M.Mélinon l’a cédé à un autre membre de la famille, Francis Bligny, de St Martin du Vivier, passionné de généalogie et d’histoire normande.
Jacques-Eugène Barthélémy s’honorait d’être « Normand de race, Rouennais de naissance ». Il était le premier enfant d’un commerçant en vins du quartier du Vieux-Marché, originaire de St Martin du Vivier. Naissance à Rouen dans une maison située à l’angle des rues Ecuyére et Rollon. Une mère aimante, Marie Laurette Dubois. Après de sérieuses études et un passage par l’Ecole du Louvre, il devient architecte. Il manifeste un attrait pour l’art mystique. Armé de solides principes religieux, il s’oriente vers le néo-gothique très en vogue au XIXe siècle. Il fut un des tout-premiers architectes français à s’intéresser à l’architecture médiévale. En 1849, le jour de ses 50 ans, il est promu architecte en chef de la Cathédrale de Rouen. Pleins travaux sur la flèche. En 1851, l’Archevêque, Monseigneur Blanquart de Bailleul, le nomme architecte diocésain. Quelques années plutôt, de 1840 à 1844, il ne s’est pas ménagé avec son équipe pour l’édification, au temps de l’abbé Godefroy, curé et du Cardinal Prince de Cröy, de ce qui constitue aujourd’hui son œuvre majeure, la Basilique de Bonsecours. Parmi la cinquantaine d’édifices qu’il a dessinés ou reconstruits : Saint Clément de Rouen, l’Immaculée Conception d’Elbeuf, Notre-Dame de l’Assomption de Sotteville, Saint-Martin du Houlme, Maromme et Oissel, la chapelle de l’ancien petit-séminaire du Mont-aux-Malades (aujourd’hui maternité du Belvédère) et Saint-Maclou de Rouen ( la flèche en pierres, c’est lui !).
A Rouen en 1872, il dirigera gratuitement la reconstruction de la Croix de Pierre et offrira même la croix plantée en son sommet.
Son fils Marie-Eugène Barthélémy, également architecte, dans l’esprit du travail de son père, réalisera l’église Saint-André de Mont-Saint-Aignan, l’église Saint -Paul de Rouen (toujours en vente !), la chapelle du pensionnat Saint-Jean-Baptiste de la Salle et l’église Saint Vaast de Clères.
1868, consécration pour Jacques-Eugène : il est décoré de la Légion d’honneur, de l’Ordre de Saint Grégoire le Grand et de l’Ordre de Saint Sylvestre. Il incarne « l’art de bâtir et de bien bâtir ».
Beaucoup plus tard, après sa mort, une place portera son nom devant l’église Saint- Maclou.
Son précieux cahier renferme toutes les dates de ces évènements, honneurs, réunions officielles, visites de chantiers, réceptions des matériaux, inaugurations et bénédictions. Il fut un témoin privilégié, souvent avec femme et enfants de l’actualité rouennaise et nationale. Par exemple, le 11 juin 1849, à 5 heures du matin, procession de 20 000 fidèles, de Rouen à Notre-Dame de Bonsecours « à l’effet d’obtenir la cessation du choléra ».
Pour vous, voici quelques extraits de sa véritable chronique des jours révélée ici pour la première fois.
13 avril 1851, dimanche des rameaux. A 11h et demie, Monsieur l’abbé Mac Cartan, curé de Saint-Ouen, après avoir fait le prône, tombe en descendant de la chaire sur le pavé, se brise le crâne et meurt dans son presbytère à 4h de l’après-midi.
26 mai 1862, à 6h du soir, j’ai découvert le cœur de Charles V dit le Sage, Roi de France, dans un petit caveau au milieu du chœur de la cathédrale. Le 6 juin, après avoir renfermé dans une boîte d’étain en forme de cœur les restes pulvérulents du cœur de ce grand roi et mis cette boîte dans une autre en plomb avec charbon pilé, nous avons réintégré ces restes précieux dans ce même caveau qui a été aussitôt recouvert et fortement scellé en maçonnerie de pierre.
31 mai 1868, dimanche de Pentecôte, l’Empereur et l’Impératrice sont venus à Rouen. Ils sont arrivés à la gare de la rue Verte à 1h et demie de l’après-midi. Le Conseil municipal dont je fais partie, leur a présenté les clefs de la ville, les mêmes qui avaient été déjà présentées à Napoléon 1er. Ils se sont ensuite rendus à la Cathédrale où ils ont été reçus par son Eminence le Cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen. De là, ils ont été à l’exposition d’horticulture dans le jardin de Saint-Ouen puis ils ont visité avec attention l’’exposition du Concours Régional. Dans le Pavillon impérial, l’Empereur a distribué lui-même à plusieurs personnes des croix et des récompenses. Sa majesté m’a remis la Croix de Chevalier de l’Ordre impérial de la Légion d’honneur.
12 novembre 1868, 7h du matin, décès de M. Charles Amédée Verdrel, Maire de Rouen. Ses obsèques ont eu lieu le 14 à la Cathédrale au milieu d’un immense concours d’habitants de Rouen et des environs. Le Conseil municipal en reconnaissance des éminents services que M.Verdrel avait rendus à la ville, a décidé que les frais d’obsèques seraient payés par la ville, qu’un terrain serait donné au cimetière monumental pour y élever un monument également aux frais de la ville et enfin que la place du marché-neuf porterait à l’avenir le nom de Place Verdrel.
11 décembre 1869, à 9h et demie, en présence de Messieurs les chanoines de la métropole, j’ai déposé le cœur de Richard-cœur-de-lion renfermé dans une boîte de plomb, dans une entaille pratiquée à la partie supérieure du socle du mausolée que j’ai fait élever au héros normand dans la cathédrale de Rouen, contre la grille du sanctuaire du côté de l’Epitre.
12 mars 1876, de midi à 4h, un ouragan d’une extrême violence, cause des dégâts considérables aux églises Saint-Ouen, Saint-Maclou, la Cathédrale, Saint-Vincent, Saint-Gervais, Notre-Dame de Bonsecours et au Palais de Justice. On n’avait pas vu pareil ouragan depuis celui de 1683 qui avait renversé trois clochetons du grand portail de la Cathédrale. !
25 avril 1876 à 7h du soir, incendie du Théâtre des Arts, heureusement avant l’ouverture de la salle et cependant il y a eu beaucoup de personnes brûlées ou blessées. Funérailles des victimes vendredi 28 à la Cathédrale.
André Morelle