1999 - Le Patrimoine pour quoi faire ? - L’abbaye du Bec-Hellouin

lundi 6 décembre 1999

Patrimoine pour quoi faire ?

Les premières Rencontres de l’association Patrimoine(s) se déroulèrent le 20 novembre 1999 à l’abbaye bénédictine du Bec au Bec-Hellouin sur le thème " Le patrimoine : pour quoi faire ? "

Placées sous le signe de l’échange, des savoir-faire et des expériences sur des champs patrimoniaux très variés, ces premières rencontres de l’association Patrimoine(s) ont permis de prendre la mesure de l’étendue des chantiers et des attentes générées par un patrimoine dont le mot même s’applique depuis quelques décennies à des domaines bien plus vastes et tout aussi riches que l’apport prestigieux des monuments historiques, hérité de la révolution française de 1789.

Face à l’ampleur et aux notions si diverses que revêt le patrimoine, la question, au regard des nombreuses actions que sa sauvegarde, sa mise en valeur et son animation suscitent, rejoint celle proposée ce 20 novembre 1999 : le patrimoine, pour quoi faire ?

Bilan de la journée

Cette journée de réflexion, qui s’est déroulée au cœur de la célèbre abbaye du Bec-Hellouin, dont les portes ont été généreusement ouvertes par les Frères de la communauté et le Père Abbé, avait pour principal objectif de réunir des acteurs de différents domaines du patrimoine de Haute-Normandie afin que se nouent des échanges durables et fructueux.

Quatre-vingts personnes sont ainsi venues passer ce samedi décliné en dix interventions autour d’exemples variés de projets et de réalisations sur les patrimoines.

Après une présentation de l’association " Patrimoine(s) " par le président, Gérald Orange, qui en a rappelé l’origine et les buts (réflexion sur le sujet, rapprochement des acteurs, mise en réseau des expériences et des savoirs-faire), la parole était aux intervenants.

Représentants d’associations, institutionnels ou privés, tous ont offert à la réflexion un état des multiples facettes du patrimoine, tel qu’il peut être vécu et pratiqué de nos jours, dans la région.

Qu’il soit en image, avec l’IRIS et la mémoire audiovisuelle de Haute-Normandie, en herbe, avec le Jardin des Amouhoques à Mesnil-Durdent, au long des chemins de pélerinages vers le Mont-Saint-Michel, avec la Route aux Anglais, ou encore en site, avec les Amis des Monuments et Sites de l’Eure, le dénominateur commun de ce patrimoine semble être, avant tout, l’entretien de la mémoire.

Certes pas une mémoire fossilisée, mise sous verre, mais une mémoire animée par des hommes et des femmes, soucieux d’éclairer le présent, de lui donner un sens et d’essayer ainsi de mieux se projeter vers l’avenir, par un travail d’étude, d’analyse et de transmission du message et de l’héritage de ceux qui nous ont précédés.

Or, la distance entre passé et présent devient de plus en plus étroite. Ainsi, dans une société en pleine mutation, où le cadre de vie et les outils de production d’hier tendent à disparaître rapidement, rendus obsolètes, avec souvent le désarroi de la population confrontée au problème du chômage et privée de ses repères habituels, la nécessité de conserver cet héritage commun, industriel, rural, maritime, naturel... se fait davantage sentir.

Dans cet esprit, certaines actions mises en oeuvre au cours des dernières années, ont été motivées par l’urgence. C’est le cas de la commune de Mesnil-Durdent, menacée de disparition pour cause de sous-population et retrouvant vie grâce à la création de son jardin (des mauvaises herbes qui racontent le Pays de Caux et restituent un éco-système oublié par les pratiques agricoles expansives). C’est également le cas de l’Estran, Cité de la Mer, sauvant ce qui peut l’être encore de la mémoire maritime.
Et ce travail ne s’est pas fait tout seul.
Tous ont eu à faire face à des contraintes ou des difficultés techniques.

Tout porte à croire et à espérer que les échanges noués au fil des débats qui ont ponctué les interventions, généreront le besoin et la volonté de s’associer, d’aller plus loin et mieux, ensemble, forts de cette diversité qui fait la richesse autant du patrimoine que d’une société.

C’est également la variété des résultats obtenus par les intéressés qui doit retenir l’attention. Certaines démarches ont pu aboutir à la création d’emplois directs ou induits, telles celles du Jardin des Amouhoques ou encore la réhabilitation exemplaire de l’Abbaye de Montivilliers (restauration des bâtiments abbatiaux et de la création, en leur sein, d’un parcours spectacle axé sur l’histoire de l’abbaye et de la ville et sur les grandes étapes de l’architecture monastique en Normandie).

Quel autre lien y a t-il entre un safari-lumière, la recherche des anciens savoir-faire de la métallurgie et le réseaux des villes d’art et d’histoire (représentés respectivement par la Communauté de Communes de Cormeilles, Le Gemme et la Ville de Fécamp) ? Sans doute une volonté commune, à l’écoute des exposés et des questions posées lors des débats, de travailler ensemble, de se retrouver, d’échanger, de rapprocher des personnes, des publics, des secteurs d’activités parfois très éloignés, dans une même démarche visant à poser les bases d’un équilibre entre modernité, progrès et respect d’un héritage commun.

Pour autant, cet héritage ne s’impose plus comme un legs de caractère étatique et national mais se présente désormais sous la forme d’un patrimoine revendiqué où des groupes culturels et sociaux décident de leur propre définition, de ce à quoi ils s’identifient, se reconnaissent et se déterminent. Et, par conséquent, de ce qu’ils souhaitent voir conservé, protégé et transmis aux futures générations.
Voilà bien la difficile tâche que se sont assignée l’ensemble des représentants de ces patrimoines, au cours de cette journée.

Le patrimoine, dès lors, n’apparaît pas comme la propriété de ceux qui en auraient les clefs mais comme un bien précieux, source d’enseignement et de questionnements multiples sur ce que nous sommes et vers quoi nous pourrions évoluer.
L’autre but recherché par les acteurs, est d’en assurer la mise en valeur et en perspective, la transmission et le partage auprès du plus grand nombre.

Le patrimoine pour quoi faire ?

Peut-être, à l’issue de ces premières rencontres, pour tenter, au fil des expériences et des échanges, de participer et de réfléchir à l’équilibre économique, environnemental, culturel, artistique, philosophique et démocratique du monde auquel, chaque jour, nous prenons part.

Philippe Levasseur

Le programme

Programme des Rencontres du 20 novembre 1999 à l’Abbaye du Bec-Hellouin

Quand le patrimoine se décline

  • Patrimoine en route : La route aux Anglais, par Marie-Paul Labey, présidente de l’association Les chemins du Mont-Saint-Michel.
  • Patrimoine en lumière : Le safari-lumière (Communauté de communes de Cormeilles), par Gérard Briavoine, président de la commision Tourisme de la Communauté de communes de Cormeilles.

Quand le patrimoine s’organise

  • Patrimoine en mer : L’Estran-Cité de la Mer par Eric Tavernier.
  • Patrimoine en image : La mémoire audiovisuelle de Haute-Normandie, par Agnès Deleforge de l’Institut Régional de l’Image et du Son.

Quand le patrimoine devient un enjeu

  • Patrimoine en chantier : L’abbaye de Montivilliers, les enjeux d’une restauration, par Jean-Claude Brubion, directeur des affaires culturelles.
  • Patrimoine en fusion : Le Gemme, métallurgies et fèvreries, une association entre tradition, innovation et transmission, par Bernard Cottard.
  • Patrimoine dans le vent : La Fondation du patrimoine maritime et fluvial : un trois-mâts pour image, texte de Martine Pastor.