2015 - Escapade du patrimoine à Honfleur

samedi 28 mars 2015

Journée singulière dans une ville trop touristique pour être bien connue

et dans une maison trop unique pour être touristique.

 
~

Honfleur, Honfleurais, Honfleuraise…

On ne présente plus Honfleur, ce « pittoresque petit port de pêche normand » qui attire chaque année plus de 3 500 000 visiteurs. Comme eux, en ce froid samedi du 21 mars 2015, nous avons déambulé dans les rues pavées, bordées de maisons à pans de bois. Comme eux, nous avons contourné le bassin pour aller visiter l’église Sainte-Catherine. Nous renvoyons donc aux nombreux fascicules touristiques qui présentent la ville, et oublient parfois de préciser qu’elle était le 5ème port négrier français avec 125 expéditions de traite, derrière le Havre (392) et bien loin derrière Nantes et ses 1714 expéditions. C’est que Honfleur a participé à l’histoire internationale, dans ses épisodes les moins et les plus glorieux.

A titre d’exemples, voici trois Honfleurais d’hier et d’aujourd’hui :
-  Binot Paulmier de Gonneville, marin légendaire,
-  la Grande Mademoiselle, pauvre princesse riche,
-  et… Florence Marie, artiste singulière qui nous a accueillis dans sa maison théâtralisée de La Forge.

La vie de Binot Paulmier de Gonneville : fantasme de salon ou vérité historique ?

Le capitaine Binot Paulmier de Gonneville aurait quitté Honfleur pour les Indes Orientales, le 24 juin 1503, à bord de l’Espoir. Mais, après avoir doublé le cap de Bonne Espérance, il aurait été poussé vers une terre inconnue : les terres australes, ce continent imaginaire à ne pas confondre avec l’Australie ? Le Brésil ? Il en serait reparti avec Essomeric, jeune autochtone, et « des peaux, plumes, racines à teindre » échangées « contre des quaincailleries, et autres besongnes à petit prix ». Mais le retour ne fut guère glorieux : le 7 mai 1505, le bateau échoue à Guernesey où il est pillé. Le 20 mai, le capitaine, les vingt sept survivants de l’équipage dont l’Indien Essomeric, arrivent à pied à Honfleur. Binot Paulmier ruiné, ne pourra jamais ramener Essomeric à son père comme il le lui avait promis. Mais il l’adopte, le marie à une de ses nièces. Veuf et nanti de quatorze enfants, Essomeric Paulmier, modèle d’intégration, se remarie avec une jeune Honfleuraise, qui lui donnera sept filles.
Binot Paulmier de Gonneville a longtemps été révéré comme l’un des plus célèbres navigateurs français. Mais, en 1993, une étude de Jacques Lévêque de Pontharouart, démonte son histoire. Elle serait une invention de Jean Paulmier de Courtonne, chanoine de Lisieux et arrière-petit-fils dudit Essomeric. Le chanoine, qui cherchait à monter une expédition d’évangélisation dans les imaginaires Indes Australes, aurait ainsi « blanchi » son ancêtre, huguenot violent, en lui préférant un Indien brésilien. Mais… à son tour, l’hypothèse de l’historien est remise en cause par Jean-Pierre Chaline, professeur à la Sorbonne et Président de la Société de l’Histoire de la Normandie. A défaut de la vérité, on ne peut qu’énoncer les importantes conséquences de cette histoire, vraie ou fausse :
- Pendant plus d’un siècle et demi, des marins français ont cherché ces Terres Australes.
- A partir de la fin du XIXe siècle, l’historiographie se nourrit de ce texte pour justifier l’installation des Français dans le Pacifique sud, en revendiquant l’antériorité avant les découvertes hollandaises et anglaises.
-  Certains vont même jusqu’à affirmer que le pilote de Paulmier de Gonneville, un certain Jean Cousin, aurait découvert le fleuve Amazone dès 1488, faisant de celui-ci le prédécesseur de Colomb.

Une promotrice immobilière : la Grande Mademoiselle (1627-1693)

Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle a pour tonton Louis XIII et pour grand-père Henri IV. Elle est la fille de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, et de Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier. Cette princesse qui est certainement l’une des plus riches d’Europe, rate le mariage du siècle avec son cousin Louis XIV parce qu’elle ne plait guère à Mazarin. Elle prend alors une part active à la Fronde, ce qui ne simplifie pas sa vie, déjà très compliquée : poursuivie pour son argent, très surveillée par sa famille, elle ne peut épouser Lauzun, qu’on emprisonne pour qu’elle ne le voie plus. Ses malheurs se poursuivent même après sa mort. A la Révolution, son cœur embaumé est acquis par des peintres. Une fois mêlée à de l’huile, cette substance, dite " mummie ", très rare et hors de prix, est en effet réputée pour donner un glacis incomparable aux tableaux.

Femme d’affaires, elle lotit son terrain honfleurais de la contre-escarpe pour le vendre deux fois, en toute honnêteté. Les maisons, construites sur la contre-escarpe des remparts, possèdent deux rez-de-chaussée : un qui donne sur le quai, l’autre situé quelques étages plus haut.

Florence Marie, artiste à La Forge

Florence Marie nous a ouvert les portes de sa maison, qui est aussi son œuvre. Quand elle a refermé derrière nous le portail coloré, nous étions dans un autre monde, bien loin de la foule des touristes. Dans un monde tout à la fois végétal et animal, où des créatures de bric et de broc peuplent les arbres, cernent la source souterraine, envahissent le jardin. Pourtant, Florence Marie récuse le terme d’artiste brut. Elle se définit comme une aventurière, mais une aventurière qui aurait, dans ses bagages, les livres de Novalis, de Virginia Woolf, de Flaubert, les histoires de Kipling, les contes et les légendes du monde. Une aventurière qui aime les rois et les reines, les anges et les symboles. Sur le mur du jardin, un couple royal veille avec dignité sur un dragon, une girafe, un éléphant. Dans « la chapelle » un oeil vert, une fleur bleue, un chapeau rouge sont trois des symboles récurrents de l’œuvre de Florence. Nous avons déjeuné autour de la table ronde, tandis qu’un feu flambait entre les pattes de la cheminée-girafe. Florence a répondu à nos questions avec générosité et gentillesse, avant de nous mener dans son atelier de 400 m2, tout juste grand pour accueillir toutes ses oeuvres.

Si vous désirez visiter la Forge


Portfolio

JPEG - 80 ko JPEG - 114.5 ko JPEG - 106.2 ko JPEG - 117.3 ko JPEG - 81.8 ko JPEG - 115 ko